Dans la boutique d'Ali Baba - PV Weiss

Il faisait froid. Trop froid pour Goaty, malgré sa fourrure plutôt épaisse. C’était l’humidité qui rendait le froid insupportable. Si il faisait juste froid, ce serait différent, mais cette espèce de neige cendrée qui recouvrait tout et venait s’accrocher dans les poils, les humidifiant et les imprégnant. Après quelques jours elle ne pouvait déjà plus le supporter. Elle avait donc décidé de se confectionner un vêtement adapté. Une cape qui la couvrirait et la garderait au sec. Elle était donc partie en quête d’un magasin dans lequel acheter du tissu. Bien sûr elle aurait pu acheter directement une cape. Mais ça couterait moins cher de la fabriquer elle-même, et au moins le vêtement correspondrait exactement à ce qu’elle avait en tête.

Elle connaissait encore mal la ville, et ne savait donc pas trop où trouver ce dont elle avait besoin. Elle regrettait le temps où elle vivait chez les changelins. Elle connaissait la ville comme sa poche, et n’aurait pas hésiter une seule seconde sur l’endroit où trouver le tissu qu’elle cherchait. Elle avait ses habitudes dans une petite boutique tenue par une ancienne amie avec qui elle avait été à l’école. Pas une amie proche, mais elle se connaissaient, et c’était suffisant pour que Goaty ait droit à quelques petits accessoires dans son sac à la fin de son passage shopping.

La petite chèvre soupira, et entra dans la quatrième boutique depuis qu’elle avait commencé à chercher. Elle espérait vraiment qu’elle trouverait son bonheur dans celle-là. Les autres avaient été très décevantes. La première n’avait que des tissus imprimés d’un goût douteux et bien trop fins pour faire quelque chose de confortable et étanche. La seconde, Goaty en était ressortie après seulement quelques secondes. La gérante du lieu lui avait lancé un regard de jugement de haut en bas, que la petite chèvre blanche n’avait pas du tout apprécié. Il y avait bien des choses intéressantes dans la troisième, mais pas de réel coup de cœur. En plus elle n’avait pas trouvé tous les éléments. Seulement une large bande de tissu en polaire qui pouvait servir pour l’intérieur de la cape. Elle n’avait pas trouvé de quoi faire la doublure extérieure, ni de fibule pour maintenir la cape en place. Bref. Elle entrait donc dans une autre boutique, qui lui avait d’ailleurs été indiquée par la vendeuse de la boutique précédente lorsque Goaty lui avait expliqué ce qu’elle cherchait.

La vitrine intrigua la petite chèvre qui s’attendait à une boutique de tissus. En effet c’était apparemment plus proche d’un antiquaire. Il y avait un amas d’objets en tous genre qui ne semblait pas vraiment avoir de rapport entre eux. Goaty doutait qu’elle y trouve vraiment ce qu’elle cherchait, mais y entra quand même. L’intérieur semblait bien plus grand que ce qu’on pouvait apercevoir de l’extérieur. On aurait dit un vrai petit labyrinthe formé par les étagères boisées et les vitrines en verre où étaient rangés toute sorte de biens. La chèvre se perdit rapidement dans les allées, passant d’un objet à un autre. Il y avait tellement de choses qui lui plaisaient ! Malheureusement elle n’avait vraiment pas les moyens de craquer pour des objets inutiles. Il lui fallait du tissu et une fibule. Le reste, il fallait le laisser là. Elle n’avait pas les moyens, c’est tout. Elle verrait plus tard, lorsqu’elle aurait commencé à gagner un peu d’argent. Elle finit par apercevoir dans une vitrine un assortiment de broches en tous genre, parmi lesquelles elle pouvait espérer trouver l’objet convoité. Elle commença donc à en faire l’inventaire, ne remarquant pas la pégase à la robe blanche qui s’approchait et à qui elle bloquait le passage, tout à sa contemplation.

L’encolure penchée sur la vitrine, Goaty ne remarque la nouvelle arrivante qu’une fois que celle-ci se fut manifestée d’un raclement de gorge discret. Elle tourne alors la tête vers une créature aussi blanche qu’elle-même. Ou plutôt qui le serait si cette cendre ne venait pas ternir le pelage de chacun, habitants comme visiteurs. La petite chèvre affiche un sourire, pensant avoir à faire à la gérante de la boutique, qu’elle ne voit nulle part. Mais la question qui lui est adressée efface rapidement cette possibilité. Son sourire ne la quitte cependant pas et elle répond à la Pégase blanche tout en se déplaçant légèrement pour libérer le passage.

« Bonjour ! Non je ne suis pas la propriétaire. Je suis juste une cliente. Tu cherches quelque chose de particulier ? »

Goaty avait sa propre recherche à mener, mais elle avait peut-être aperçu ce que cette inconnue cherchait. Et si c’était le cas autant en profiter pour l’aider. Cette boutique était véritablement un labyrinthe, et son organisation semblait être justement basée sur l’absence d’organisation. Se rendant compte qu’elle ne s’était pas présentée, la petite chèvre blanche lui donna son nom.

« Je m’appelle Goaty. »

Elle jeta un œil à la vitrine dans laquelle trônait la fibule qui lui avait attiré l’œil. Un simple bout de métal, certes, mais la forme lui plaisait. Tout en volutes harmonieuses. Et elle semblait solide, de bonne qualité. Elle avait déjà décidé, au fond d’elle-même, mais c’était toujours agréable d’avoir un deuxième avis. Même de quelqu’un qu’on ne connaît pas. Elle montra du sabot la petite pièce de métal, demandant son avis à la pégase à la crinière rougissante.

« Est-ce que je peux te demander ton avis ? Je pensais acheter cette pièce, pour me faire une cape. »

Goaty Boop écoute l’avis de l’inconnue, qui lui donne au passage son nom. Weiss Gift. Un bien joli nom sur un joli minois. Et ses conseils ne sont pas mauvais. Satisfaite que l’avis de la pégase corresponde au sien, la chèvre pousse la vitrine, pour atteindre l’objet désiré. Sans succès malheureusement. Elle est apparemment verrouillée. Il va vraiment falloir trouver ce vendeur. Impossible de se contenter de laisser l’argent et de partir avec l’objet. Sans compter que les prix ne sont évidemment pas indiqués. Ce n’est pas si grave, elles sont deux à chercher le patron du lieu, elles allaient bien finir par le trouver. Sans se départir de son sourire, la chèvre répond à la pégase.

« Un livre de magie ? Je n’en ai pas vu, mais j’avoue que je ne cherchais pas vraiment de livres, donc je n’ai pas fait spécialement attention. Je peux t’aider à chercher. J’ai trouvé la fibule, il me manque juste un peu de tissu, et le gérant de cette boutique, pour m’ouvrir la vitrine bien sûr. »

Goaty jette un coup d’œil autour d’elles, répétant pour elle-même le nom de l’ouvrage que recherchait sa nouvelle amie. Un peu plus loin elle repère un couloir bordé de part et d’autres de livres, et fait un petit signe de tête dans cette direction tout en expliquant à son interlocutrice.

« On devrait essayer par là. Je regarde à gauche et toi à droite, d’accord ? »

La chèvre s’avance dans le-dit couloir, et commence à scruter les étagères, marmonnant entre ses dents.

« Les mille sorts de soin importants pour un clerc… Les mille sorts de soin importants pour un clerc… »

En face, arrivant dans sa direction, des bruits de sabots se font entendre. Enthousiaste, Goaty se tourne vers la blanche ailée, désignant la mule qui s’avance vers eux, pour lui dire.

« Je crois qu’on ne va pas avoir besoin de chercher trop longtemps. A moins que ce ne soit encore un autre client en détresse. »

La chèvre et la pégase avançaient de concert dans une allée délimitée par des étagères débordant de livres qui ne semblaient être rangés dans aucun ordre particulier. Goaty marmonnait entre ses dents le nom du livre que sa comparse nouvellement rencontrée recherchait tout en parcourant des yeux les tranches des livres, penchant la tête d’un côté ou de l’autre pour lire les titres. Mais sa route fut interrompue par le bruit reconnaissable de sabots, arrivant dans leur direction. Sabots appartenant à une mule qui s’avançait vers elles. La jolie pégase aux pointes rouges rejoint rapidement Goaty, et prit les devant, s’adressant à celui qui venait d’entrer dans leur champ de vision, lui demandant si il est celui qu’elles cherchent, ainsi que les objets de leur convoitise respective. Goaty se présenta à son tour, un sourire franc sur le visage et dans la voix.

« Bonjour monsieur. Je m’appelle Goaty Boop. Je confirme tout ce que cette charmante pégase a dit. Charmante boutique d’ailleurs. Je suis un peu perdue dans tous ces dédales, mais vous avez vraiment des tas d’objets intéressants ! »

L’équidé confirma son identité, leur souhaitant à toutes deux la bienvenue, puis se tourna vers l’étagère à sa droite, extrayant un livre assez large à la couverture recouverte de symboles dont Goaty n’avait aucune idée de la signification. Il tendit le livre à Weiss.

« Voilà pour vous mademoiselle. »

Il se tourna ensuite vers Goaty qu’il toisa quelques secondes.

« Quant à vous… Une fibule, c’est bien ça ? »

Ils prirent tous les trois la direction de la-dite vitrine, et la chèvre montra de son sabot la pièce de métal qui l’intéressait. Le vendeur sortit une clé avec laquelle il activa la petite serrure qui verrouillait la vitre. Il sortit l’objet avec précaution et le tendit à l’intéressée, qui le remercia avant d’ajouter.

« Je suis désolée de vous embêter encore, mais j’aurai aussi besoin de tissu. Je n’ai pas eu le temps de visiter toute la boutique, mais est-ce que vous en avez ? »

Le vendeur lui sourit et lui fit un clin d’œil avant de lui répondre, puis de se tourner de nouveau vers la pégase.

« Bien sûr que j’en ai. Est-ce qu’il vous faut autre chose à part ce livre ? Il est à 15 pièces d’or. Si vous voulez je vous encaisse maintenant avant de montrer les tissus à votre amie. »

Un petit flottement suivi les paroles du gentil propriétaire de la boutique, qui après avoir brillé par son absence, resplendissait d’efficacité. Il avait trouvé le livre que la pégase cherchait en quelques secondes, semblant connaître par cœur le nombre infini d’objets dans sa boutique ainsi que leur emplacement. Et même leur prix, puisqu’il l’annonça à Weiss avant de terminer de s’occuper de Goaty. Weiss qui semblait déjà complètement prise par sa lecture. Elle avait ouvert le livre et avait visiblement commencé à en dévorer les pages du regard. Le propriétaire eut un petit sourire amusé et toussota légèrement. Devant l’absence de réaction de la lectrice, la chèvre et la mule échangèrent un regard et il lui fit un clin d’œil avant de toussoter un peu plus fort.

Weiss sortit alors de sa bulle de concentration et les regarda, un instant perdue avant que les paroles de la mule ne lui parvienne et ne fasse sens. Elle répondit finalement à la question qui lui avait été posée, et sortit l’argent demandé pour régler son achat. Elle se replongea aussitôt dans sa lecture.

« Alors... Du tissu… C’est pour aller avec cette fibule j’imagine ? » demanda-t-il à la chèvre, qui acquiesça de la tête avant de donner de plus amples informations sur son projet.
« Oui c’est pour faire une cape. Avec ce froid, j’en ai bien besoin. Du coup il me faudrait deux types de tissu. L’un pour l’extérieur et l’autre pour la doublure. »
Tout en discutant ils avaient commencé à marcher dans les allées du magasin, jusqu’à arriver devant un stand où des tissus de couleurs et de textures différentes étaient exposés. Alors qu’elle commençait à regarder ce qui était disponible, elle remarqua derrière eux la petite pégase qui s’avançait, un peu à la traine, le nez toujours plongé dans sa lecture.

« Eh bien vous avez fait une heureuse avec ce livre. Je crois qu’on l’a définitivement perdue. » Remarqua-t-elle au vendeur, qui venait de tirer sur l’un des tissus. Il s’agissait d’une bande large de polaire grise épais. Goaty sourit franchement, enthousiaste.

« C’est exactement ce qu’il me faut pour l’intérieur. Vous lisez dans les pensées de vos clients ce n’est pas possible ! Il me manque aussi de quoi faire la doublure extérieure. »

Avant même qu’elle n’ait terminé sa phrase il avait bougé le long du pan de mur multicolore et lui montrait un autre tissu. Et encore une fois il visait juste. Goaty, ne regrettant décidément pas d’être entrée dans cette boutique. Elle lui demanda d’en couper deux morceaux de même longueur, et sortit son argent pour régler. C’était un investissement important, mais ce serait très utile, et elle était certaine qu’elle ne le regretterait pas. Une fois son achat réglé elle remercia chaleureusement la mule, et commença à prendre la direction de la sortie, suivie de sa blanche nouvelle amie.

« Bon ben c’était chouette de te rencontrer, Weiss. Je crois que nos chemins se séparent ici. Tu as visiblement de la lecture, et moi j’ai du boulot pour transformer tout ça en cape. J’espère qu’on se recroisera un jour ! »

Goaty tendit le sabot pour étreindre brièvement la pégase, avant de s’éloigner un peu, lui offrant un dernier sourire sincère avant qu’elles ne se séparent.